La littérature de jeunesse, style littéraire à part entière, offre une multitude de propositions… des albums variés en formats, textes, illustrations, histoires. Chaque album, par le texte écrit, ouvre un espace sensoriel de rythmes, de sons, de musicalité du texte dans un dialogue prosodique autour de l’album entre le tout-petit et l’adulte lecteur. En interrogeant la musicalité dans l’album jeunesse,voyageons un temps à travers la musique de l’écrit pour trouver sur notre balade les albums chantés.
Une musicalité du texte
Tout texte écrit se nourrit par l’acte de lecture d’une musicalité des mots, que la lecture soit intime ou offerte à l’autre à voix haute. Les mots prennent vie par les phonèmes. Les mots chantent, sonnent, claquent,percutent l’ouïe. Il se complètent et créent une ambiance sonore singulière.
Tout comme «la peinture rouge chante dans la tête de Kelly» dans l’album Rouge c’est mieux, le texte écrit chante dans la tête du lecteur qui le découvre et en fait la lecture.Le texte et le lecteur donnent une teinte particulière et chaque texte offre une musique singulière. Cette musicalité du texte est dépendante des mots subtilement choisis par les auteurs jeunesse et de la manière dont ce livre est lu. Chaque lecteur transforme cette musique des mots, mais si chaque album porte en lui une musicalité liée au texte, certains albums s’amusent de ce lien entre culture de l’oral et culture de l’écrit. Ils effacent les frontières entre l’expérience de la comptine et celle du livre : ce sont des livres chantés.
Une balade culturelle et sensorielle
Comme évoqué dans le rapport ministériel issu du travail de réflexion de Sophie Marinopoulos, l’album permet d’offrir au tout-petit et à son parent l’accès à une nourriture culturelle indispensable à son bon développement. L’album chanté fait exister ensemble l’illustration (culture de l’image), le texte (culture de l’écrit) et la comptine (culture de la transmission orale). L’album chanté propose une interprétation visuelle d’une chanson enfantine, décalant ainsi la seule portée orale de la comptine en alimentant l’imaginaire. L’illustration nourrit l’imaginaire et reconstruit des rapports aux comptines connues et reconnues. Dans l’album Frère Jacques, l’auteur Christophe Alline propose une illustration dans lesquels les mots par leur forme, leur grandeur et leur disposition font pleinement partis de l’image. On retrouve une comptine connue mais qui rapidement nous emporte avec elle au fil des langues et des cultures. La comptine est tout à la fois même et différente.
Au sein d’un temps de lecture partagée, le chant qui arrive dans la relation à l’autre par le livre, apporte du relief à l’instant de la lecture. C’est une parenthèse, une rupture du rythme, une reprise de souffle qui permet parfois de raviver l’intérêt des tout-petits et celui du parent présent. Il porte en lui la possibilité de faire coexister la culture de l’oral et la culture de l’écrit et crée des ponts interculturels.
L’album chanté: un retour aux (res)sources
Les comptines nous nourrissent dès notre plus jeune âge. Elles bercent, câlinent, rassurent, font rire. Elles se partagent de générations en générations et traversent les cultures. Il suffit de quelques mots «Promenons-nous dans les bois…» et nous voilà déjà en voyage dans nos souvenirs au fil de nos expériences passées. Si en tant qu’enfant cette comptine m’a été chantée, la musique de ce texte me revient en mémoire. L’album chanté (re)connecte l’adulte lecteur avec le tout-petit qu’il a été et qu’il est encore quelque part en lui
Dans cet album, la balade musicale créée par la comptine écrite se joue en parallèle de celle proposée par le personnage de Délivrez-moi d’Alex Sanders qui déambule dans la forêt. L’album chanté a la possibilité de faire un pas de côté dans la manière de penser la comptine pour créer une surprise. La comptine devient jeu, expérience nouvelle. Quand dans Frère Jacques de Christophe Alline, le refrain est écrit dans plusieurs langues, offrant une balade multilingue, Délivrez-moi offre une proposition nouvelle «Promenons-nous dans les bois, pendant que croco n’y est pas…». L’album chanté offre un espace entre l’album plus «classique»et la comptine. Il dessine un pont entre soi et l’autre, entre différentes cultures, culture de la langue écrite et orale, culture d’origine et culture d’accueil, culture de l’album et culture du conte oral. L’album chanté est une première porte ouverte à des parents éloignés du livre jeunesse ou de la langue écrite et permet une entrée en douceur dans la langue des mots.
Chouette article plein de peps et de bonne humeur !